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Établir une culture de l’apprentissage − Entretien avec Nigel Paine

Etablir une culture de l'apprentissage - entretien avec Nigel Paine

 

Il s’agit là du troisième article de notre série sur la culture de l’apprentissage. Pour consulter l’article précédent, cliquez sur : Qu’est-ce qu’une culture de l’apprentissage ?

 

Nigel Paine, spécialiste de l’apprentissage et de l’encadrement, conférencier international et auteur de plusieurs ouvrages, explique à Rise Up comment établir une culture de l’apprentissage. Il évoque en particulier quatre éléments qui, selon lui, sont essentiels à une culture de l’apprentissage efficace : autonomisation, confiance, implication et encadrement.

 

Tout d’abord, Nigel, qu’est-ce qu’une culture de l’apprentissage ?

 

Pour être efficace, une culture de l’apprentissage doit être étendue à l’ensemble de l’entreprise, et non s’adresser individuellement aux membres du personnel.

C’est une erreur que beaucoup commettent ; ils pensent qu’une culture de l’apprentissage, c’est former un grand nombre de personnes. Or dans ce cas, il s’agirait plutôt d’une culture de l’enseignement. Je ne dis pas qu’une telle approche serait erronée, mais on ne peut alors pas parler de culture de l’apprentissage.

 

Favoriser une culture de l’apprentissage permet de se concentrer sur les problématiques de l’entreprise. Il s’agit d’un apprentissage commun, d’une production partagée des connaissances et d’une résolution collaborative des problèmes.

 

Il est également question d’apporter des idées de l’extérieur et de les diffuser ensuite au sein de l’entreprise. Cela permet d’ajuster sa trajectoire en fonction des informations, des données et des idées qui émergent. Une entreprise apprenante est une entreprise bien réglée, dynamique et prête à agir.

Créer une culture d'apprentissage et booster les performances d'une entreprise

Quels sont les avantages d’une culture de l’apprentissage ?

 

Les collaborateurs se sentent davantage impliqués et développent un sentiment d’appartenance à l’entreprise. Ils se disent « Je me sens vivre au sein de cette entreprise. J’ai un but. Je suis autonome. Les gens m’écoutent. J’acquiers beaucoup d’expérience. J’apprends beaucoup en plus de mon travail ».

 

Il s’agit aussi de motiver les membres du personnel, de leur faire sentir que leur vie et leur travail ont un sens. Les entreprises apprenantes présentent généralement une satisfaction au travail bien supérieure aux entreprises non apprenantes.

 

Dans une culture de l’apprentissage, les collaborateurs prennent pleinement conscience des défaillances du système − ces petits schémas, visions et irrégularités, ces dissonances dans l’environnement qui alertent et amènent à se réunir avec les collègues pour discuter : « J’ai entendu ci... J’ai entendu ça… Selon vous, que devrions-nous faire ? Je vais mener une enquête plus approfondie... ». L’idée, en plus d’effectuer des tâches au sein d’une entreprise, c’est également d’œuvrer à son bon fonctionnement.

 

Dans une culture de l’apprentissage, ce ne sont pas les directives, mais les questions qui viennent d’en haut. L’idée est d’oser remettre en question et de ne jamais supposer. Il s’agit de favoriser le partage informel, et d’admettre et d’apprendre de ses erreurs.

 

Les entreprises dénuées d’une culture de l’apprentissage ont beaucoup plus de mal à prendre ce recul et à mobiliser leur personnel pour résoudre leurs problèmes. Une culture non apprenante amène les collaborateurs à attendre passivement que quelqu’un leur dise quoi faire. En effet, ces entreprises favorisent généralement une gestion pyramidale : le message vient d’en haut et les employés n’ont qu’à appliquer les directives.

 

Y a-t-il des tendances qui se dégagent en matière de cultures de l’apprentissage ?

 

Je pense que dans les cinq années à venir, les communautés de pratique (CdP) vont beaucoup gagner en importance. Étienne Wenger, qui a inventé ce terme en 1996, explique qu’une CdP tente d’élaborer des stratégies pour faire face à l’incertitude.

 

En effet, la plupart des activités d’apprentissage et de développement sont axées sur la certitude − Tu ne sais pas quelque chose, je vais te l’expliquer. Avant, tu n’étais pas sûr, maintenant tu sais, alors retourne à ton travail. Pour M. Wenger, cette approche ne s’applique plus à une époque où il y a de moins en moins de certitudes.

Il y a des éléments dont on est sûrs, certes, mais il y en a beaucoup dont on ne peut être certains. Une CdP est donc un excellent moyen de résoudre les problèmes au sein d’une entreprise, de ne pas se laisser submerger.

 

Les entreprises devraient se doter de ce type de CdP. L’adhésion s’y ferait sur invitation et la prise de décisions par acclamation ; elles suivraient un mode de fonctionnement purement démocratique. Les CdP iraient délibérément à l’encontre des schémas hiérarchiques traditionnels.

Y a-t-il des tendances qui se dégagent en matière de cultures de l’apprentissage ?

 

En effet, les hiérarchies sont bonnes pour prendre des décisions et faire avancer les choses, mais les CdP entendent les bruits de couloir, sont informées des perturbations et des dysfonctionnements, et peuvent dire : « Quel est le problème ? Pouvons-nous l’ignorer ? Devons-nous le prendre au sérieux ? Ou nous en inquiéter ? ».

 

Qu’est-ce que le Covid-19 nous a appris des cultures de l’apprentissage ?

 

Le Covid nous a montré que les entreprises qui s’en sortaient le mieux sont celles dont le personnel est libre de prendre des décisions et des initiatives.

 

Les sociétés où les collaborateurs ont osé enfreindre les règles, agir et améliorer les choses sont celles qui ont le plus prospéré. Et les entreprises qui s’en sont le moins bien sorties sont celles où le personnel est comme paralysé, contraint de travailler dans un cadre rigide, à attendre qu’un ordre vienne d’en haut.

 

Quand les employés se sentent à l’aise de prendre des initiatives et y sont même encouragés, les effets bénéfiques se font tout de suite ressentir.

 

L’autonomisation est essentielle pour vous. Pourquoi ?

 

L’autonomisation, c’est permettre au personnel de faire son travail sans demander la permission, même s’il n’est pas sûr de savoir comment procéder. Faire en sorte que les employés se disent : « Il faut que je le fasse, je vais faire tout mon possible pour y parvenir ».

 

En donnant les moyens à vos collaborateurs d’essayer, vous leur permettez d’admettre également les difficultés qu’ils rencontrent et de demander de l’aide s’ils en ressentent le besoin. Cela les encourage à prendre de faibles risques et leur montre qu’ils contribuent au succès de leur société. Ce ne sont que des petites choses, mais qui s’additionnent car elles sont répétées sans cesse au sein des entreprises.

 

L’autonomisation est facile à mettre en place quand il règne un climat de confiance.

 

Pourquoi la confiance est-elle importante ?

 

La confiance est essentielle. Sans confiance, on ne peut pas avancer. Si vous constatez un manque de confiance au sein de votre entreprise, vous devez y remédier sans attendre.

 

Vous devez expliquer à vos hauts dirigeants l’impact d’un climat de méfiance, en quoi celui-ci peut s’avérer corrosif, voire paralysant pour l’entreprise si personne n’est prêt à admettre une faute ou à partager la moindre information. C’est quelque chose que j’observe souvent : des équipes qui se méprisent les unes les autres, ou des services en rivalité. Auparavant, on percevait ce type de rapports comme de la concurrence saine, mais pour moi, c’est tout à fait contre-productif.

 

Le manque de confiance, c’est quand on ne dit rien à son responsable par crainte qu’une information puisse se retourner contre soi. Le manque de confiance, c’est quand on a une idée géniale, mais qu’on ne la partage pas parce qu’elle pourrait être volée. Le manque de confiance crée des environnements toxiques et des lieux de travail où il ne fait pas bon coopérer.

 

C’est fou le nombre de personnes qui évoluent dans des environnements où la confiance n’est pas de mise. À force, elles s’y habituent et ajustent leurs comportements en conséquence. Quel gâchis de potentiel, d’idées intéressantes, et que d’erreurs reproduites à l’infini parce que personne n’ose admettre sa faute.

 

Pourquoi l’implication des collaborateurs est-elle importante ?

 

L’implication, c’est quand on se lève le matin en ayant envie d’aller travailler et qu’on repart le soir avec la satisfaction d’avoir apporté sa contribution.

Quand on a le sentiment de travailler au sein d’une entreprise formidable, où tout le monde se serre les coudes, où les gens s’intéressent à soi et où on s’intéresse aux autres. Et quand on se soucie des résultats de son entreprise.

 

On parle d’implication sur le lieu de travail quand on sent qu’on a un but, qu’on est autonome, qu’on sait ce qu’on fait et qu’on cherche à faire de son mieux.

 

Des collaborateurs impliqués ne lésineront pas sur les efforts fournis. Et cela est très précieux car les efforts non sollicités sont quelque chose que personne ne peut exiger, ils dépendent pleinement du bon vouloir de chacun.

 

Une entreprise qui présente un bon niveau d’implication est une entreprise qui surperforme.

 

Pourtant, les nombreuses enquêtes menées au cours des quinze dernières années montrent que seulement environ 30% de la main d’œuvre se sent impliquée, et qu’environ 15% se sent activement désengagée.

 

Quel est le rôle de la direction ?

 

Vous ne pouvez pas avoir une équipe de direction qui pense une chose et encourage le personnel à penser autrement. Ou une équipe de direction qui se mette en opposition avec les autres. On ne peut pas avancer avec un tel schéma.

 

Mais il ne suffit pas d’une équipe de direction avertie. Il faut que des idées puissent surgir. Et pour cela, il faut aussi que les dirigeants soient prêts à écouter.

 

Aimeriez-vous ajouter quelque chose au sujet de la culture de l’apprentissage ?

 

Une culture de l’apprentissage requiert des connexions, tant en interne qu’en externe. Une culture de l’apprentissage implique de dépasser l’individu pour se concentrer sur l’établissement de liens, la connectivité et l’excellence organisationnelle. Cela ne veut pas dire que les collaborateurs ne comptent pas, mais qu’il faut établir une intelligence collective dans laquelle chacun puisse puiser.

 

Le prochain article de cette série sur la culture de l’apprentissage portera sur l’implication et l’expérience collaborateur.

 

 

Comment booster la performance avec une culture d'apprentissage